Collé sur ma platine – « Marquee Moon » par Television

Aujourd’hui, intéressons-nous à la seule version intéressante de l’écran autrefois électro-excité et maintenant LCD/LED/OLED/OLOLOL/DCD, le groupe Television.

Note : la/le premier-ère qui confond avec Téléphone sera définitivement condamné-e à chanter « Cendrillon » sur l’air de « La Bombe Humaine ».

Tin Din

Fin des années 1970, le monde de la musique rock est divisé en deux : ceux qui ont une canette de bière dans la main et qui gueulent fort  et ceux qui creusent leur tombe en faisant la même chose ou en se tournant vers le disco (oui, je vous regarde et vous juge The Rolling Stones, The Who, Yes…).

Des envies de trois, voire deux accords par chansons, avec parfois des voix qui ne respectent pas l’art de l’harmonie. C’est plein d’énergie et enfin de vie, juste assez pour ce qui se passera dans les prochaines années, où l’économie prendra le pas sur la solidarité.

Toutefois, le style et la classe n’ont pas disparu. Dans notre cas, pochette au contour noir, photo arty sursaturée et quatre musiciens sous un nom de groupe fleurant l’outil idiot-visuel comme un pied de nez.

Tin Din

Oui, le titre de ma seconde partie commencera comme la première. Et pourtant, cette sensation de boucle infinie ou de répétitions peut se transformer sans que nous le percevions. Et ensuite nous mener vers le calme, la réflexion jusqu’à la transe.

Steve Reich est le magicien de la répétition, de la boucle infinie, qui petit à petit se disloquent et se déséquilibrent, pour arriver in fine à avancer en des territoires nouveaux.

Prenons « Six Pianos »

D’une partition, par petite touche de décalage rythmique ou harmonique, vous emmène vers la fascination, l’hypnose, ou l’ultra-concentration. Il y a une richesse infinie dans cette composition. L’on peut s’amuser à débusquer chaque variation, ou alors chercher des lignes mélodiques. Mais la principale force est de créer un ensemble cohérent en assemblant des entrelacs de notes pour aller directement communiquer avec le cerveau.

Tin Din

Dans une autre registre, beaucoup plus saturé, mais aussi avant-gardiste, nous retrouvons les expérimentateurs Sonic Youth. Mettez ses musiciens sur scène, et demandez leur de vriller dans une improvisation folle une de leur composition. Ils ont alors sous la main des guitares électriques sur-saturés et une rythmique droite comme un S. Ils créent alors un chef-d’oeuvre entrelaçant des sons dans un magma d’électrons. Je vous défie de ne pas fredonner les paroles après l’écoute.

Juste dessous.

Ici !

Tililililili Tililililili

Et Television dans tout cela. Et bien on part sur une base philosophique identique.

Mon professeur de philosophie de Lycée a tenté de nous expliquer la vision marxiste de l’histoire à partir de vecteurs. Bingo ! Moi qui était en filière scientifique, ça a fonctionné. Chaque individu est un vecteur. La vecteur somme indiquera le sens, la direction et la norme de l’Histoire.

Comment transposer ce modèle théorique dans la musique ? Prenons plusieurs instruments qui semblent jouer des parties différentes mais qui mises ensemble forment une entité à part entière. Comme dans la musique classique finalement.

Television, Sonic Youth et autres groupes sont dans cette veine. La création d’oeuvre basée sur l’entrelacs brut des instruments, de leurs sonorités et la liberté totale sans fioritures pyrotechniques.

Le premier album de Television propose à l’auditeur (oublie toute passivité devant l’écran) un son direct mâtiné d’une voix qui joue avec les limites de la bienséance. Tu y entreras avec un perfecto,  prêt-e à en découdre, et petit à petit les velléités de combat disparaîtront devant la beauté de l’apparente simplicité des mélodies.

Ce coup d’essai est un coup de maître, de ceux qu’il ne faut plus ne serait-ce essayer d’égaler. Un instantané emplit de spontanéité, de créativité débridée et de maîtrise stochastique. Je ne parlerai donc pas des albums suivants, pudeur oblige.

 

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